Créée en 2011, l’entreprise propose de mettre en relation par internet des consommateurs et des producteurs alimentaires locaux (dans un rayon de 250 km) au sein de 850 « ruches » disséminées dans toute la France, et dans cinq pays en Europe. Les gens commandent quatre jours avant la vente, et le producteur évite le gaspillage. Les gérants des antennes locales et la structure centrale de LRQDO retiennent chacun 8,35 % du prix de vente.
« Nous avons ouvert en octobre 2013, déclare la responsable Amélie après la vente en sirotant une limonade. Je connaissais un peu le secteur, j’avais participé à la gestion d’une Amap lorsque j’étais à Sciences Po. » Depuis 2001, les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) proposent à environ 250 000 Français, parmi lesquels des étudiants, de payer une saison entière de fruits et légumes en avance. Ils reçoivent ensuite dans un local un panier par semaine. Le consommateur et le producteur sont soumis ensemble aux aléas de la production maraîchère.
Qualité des produits, promotion des circuits courts, changement des habitudes de consommation sont des enjeux partagés par ces deux structures. Malgré leurs conceptions distinctes, elles ne sont pas en conflit. Leurs différences peuvent leur permettre de se compléter.
Flexibilité complémentaire
« Moi je dis que les querelles entre les deux, c’est des bêtises », s’exclame Frédéric, le maraîcher, bien calé dans un canapé moelleux des Père populaires. « Avant je ne travaillais qu’avec une Amap. Je devais produire 90 paniers par semaine, mais de mars à juin je n’y arrivais pas. A présent, je livre 70 paniers, et j’écoule le reste avec LRQDO. Sans compter que si je cesse de travailler avec mon Amap, pour une quelconque raison, je n’ai pas tous mes œufs dans le même panier ! Cela me donne la flexibilité nécessaire. »
C’est aussi ce que recherchent nombre de consommateurs, désireux de quitter le schéma de la grande distribution, mais pas prêts à s’engager sur une saison. « Les gens sortent de cinquante ans de consommation sur le mode enfant-roi, il faut que ce soit facile, sinon personne n’ira », analysait Guilhem Chéron, un des deux fondateurs de LRQDO sur le site Terraeco en 2014. Plus facile, mais aussi généralement plus cher à cause de la marge de 16,7%. Dans les deux systèmes, les producteurs décident de leur prix.
Sortir de la consommation
Mais les critères de choix du citoyen vont au-delà du prix et de la flexibilité pour Leo Coutellec, porte-parole du Mouvement inter-régional des Amap. « Il est vrai que d’un côté, on va vers un mode de consommation, peut-être, plus militant. Mais du nôtre, on sort de la société de consommation. La dichotomie entre le producteur et le consommateur pose problème. On parle chez nous de coproducteur, de coresponsable. »

Jour de distribution de poireaux à LRQDO
Une fois franchi le pas, l’engagement citoyen dans une Amap surpasse celui de LRQDO. « Deux fois par saison, comme tous les membres, je m’occupe de faire la distribution, pointe les paniers, coche les personnes, explique Agnès Guinaudeau, jeune active et « coproductrice ». Nous allons aussi rencontrer les agriculteurs. » Un engagement qui s’inscrit dans la durée, et la régularité. A la « ruche » des Pères populaires, sur 3 000 inscrits, environ un dixième viennent s’approvisionner régulièrement, selon l’organisatrice Amélie.
« Nous croissons lentement, mais nous avons prouvé que notre modèle est viable depuis 15 ans, complète Léo Coutellec. Et nous devons faire face à de nouveaux défis depuis plusieurs années. Plus que nouer des partenariats, nous installons des exploitations. »
Il est clair pour les deux parties qu’un conflit n’a pas lieu d’être, surtout quand l’agriculture française est en difficulté. Selon l’INSEE, entre 2010 et 2013, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de 490 000 à 450 000. Alors que les exploitations de grande taille, souvent plus nocives pour l’environnement, ont progressé de 9 %.
Crédits photo : Emre Sari